
Guest Post de Philibert Muzima:
Empruntons une allégorie militaire pour nous faire mieux comprendre dans certaines sphères, sous les cieux de notre Rwanda natal. La Commission Nationale de LUTTE Contre le Génocide-Komisiyo y’Igihugu Ishinzwe KURWANYA Jenoside (CNLG) est comme une brigade et son Secrétaire Exécutif, le Commandant. Les rescapés du génocide et leurs amis en sont des hommes de troupes, des soldats. Et nous sommes en guerre contre le négationnisme.
Le hic, c’est que, pire que des échanges épisodiques de friendly fires, nous subissons de tirs nourris de la part du Commandant de la Brigade CNLG qui, loin de se tromper de cibles, nous a désigné comme des ennemis. Avec un commandement nuisible pour son propre camp, quelles sont nos chances de la gagner, cette guerre contre le négationnisme? Autopsie d’un leadership maladroit, source de désespoir, de perte de moral, de débandade au sein des troupes et, ultimement, de sabordage de toute la brigade CNLG.
D’une question biaisée à une réponse tordue.
Les téléspectateurs d’Intsinzi TV auront été abasourdis de voir mercredi le 17 février 2021, le Commandant dans la guerre contre le négationnisme recourir à la démagogie, mélangeant mémoire du génocide et politique du FPR, recourant aux menaces, aux mensonges et aux demie-vérités pour dynamiter ses forteresses et, prêtre défroqué, prêcher contre sa propre paroisse, envoyer ses ouailles…au diable!
Question : Tuvuze kuri urwo ruhererekane rw’ingengabitekerezo n’urwango ruva mu mubyeyi rujya ku mwana we. Bigaragara ko rwava no ku mwana rujya ku mwuzukuru wa wa mubyeyi wayizanye. Uwiyita ko yarokotse jenoside, urumva ko ntaho yari kuyikura kuri se cyangwa kuri nyina. Ukumva arabyivugiye, ariko ajya mu ba bandi bayipfobya. Cyangwa se akaba yarwanya na leta, kuko burya naho harimo ikintu gishyigikira uhakana iyo jenoside. Ubwo bwoko bwo gupfobya bwo bujya mu kihe cyiciro?
Réponse : Abarokotse jenoside bagira bamwe muri bo koko nibyo, turabafite. Turabafite, bamwe muri bo bavuga ko badapfobya jenoside, kuko ubabwiye ngo murapfobya jenoside yadukorewe ntibabyemera. Banabigira impamvu baburanisha bati ngo jyewe narokotse jenoside. Nta kuntu naba nararokotse jenoside hanyuma ngo nyipfobye. Ariko nyamara mu magambo bavuga, mu mvugo bakoresha, harimo ibigize ipfobya. Kuko iyo bafashe abahagaritse jenoside, jenoside yakorewe abatutsi ntabwo yihagaritswe(sic), yahagaritswe n’ingabo za FPR-Inkotanyi. Iyo rero bafashe abahagaritse jenoside, bakabasigaho ubwicanyi batakoze, cyangwa se bakabasebya mu buryo ubwo aribwo bwose. Icyo gihe baba bariho bakwiza ikinyoma, kiza kivana ukuri kuri jenoside yakorewe abatutsi. Iyo rero ukoresheje imvugo z’ikinyoma zigabanya ukuri kuri jenoside yakorewe abatutsi, cyangwa se kwa kuri zigerageze kukuvanaho burundu. Uhimba ubwicanyi butabaye, uvuga ko ngo abacitse ku icumu bakorerwa ibikorwa by’itoteza… Nongere nibutse ko itegeko ry’ingengabitekerezo ya jenoside riteganya mu ngingo 11 ko guhohotera uwacitse ku icumu rya jenoside ari kimwe mu byaha bifitanye isano n’ingengabitekerezo ya jenoside.
Iyo rero abantu nka ba Idamange, abantu nka ba Filipo Basabose, nka ba Philibert Muzima, nk’abitwa ba Mukundente, n’abandi. Bacitse ku icumu koko. Ariko ugasanga bari ku mbuga nkoranyambaga bavuga ngo, ubuyobozi bw’u Rwanda, ubuyobozi bwa FPR-Inkotanyi bukorera itoteza abacitse ku icumu. Bakaguha ingero ngo Kizito Mihigo, Diane Rwigara …kandi ataribyo. Abo bantu bafite ibyaha bakoze, bakurikiranyweho ku buryo bwemewe n’amategeko, Kizito Mihigo yiyahurira muri kasho. Iyo umuntu yiyahuye, ujya gushinja icyaha leta gute?
byo rero, abakwiza ibyongibyo, harimo ingengabitekerezo ya jenoside kuko bariho barabeshyera leta ko ihohotera abacitse ku icumu, kandi ataribyo. Ibyo rero urumva, uwunguwo, abo babaho. Banariho, ariko ni bacyeya. Niyo mahirwe…Bacyeya ntabwo tuvuga ngo abacitse ku icumu bapfobya jenoside, sibyo. Harimo bacye cyane muribo, bafashe uwo murongo. Kandi n’iyo tugeze no kuri jenoside yakorewe abayahudi, naho bibaho. Muzarebe, hariho…ndabaha urugero nk’uwitwa Paul Rassinier. Ni umuyahudi, warokotse jenoside, ariko wanditse ibitabo bitandukanye. Ni umuntu nawe wize, wari umwarimu wa kaminuza, uhakana rwose ko uburyo bwakoreshejwe mu kwica abayahudi, icyo bita chambres à gaz, ko ntabyabayeho. Nyamara byarabaye Auschwitz n’ahandi. Icyo kibazo nagira ngo tujye…, twumve ko bibaho . Ariko uwarokotse jenoside iyo yinjiye mu murongo wo kuyipfobya, turebe ibibimutera, ariko tunarebe n’ibikorwa, akora ibyo aribyo, byamaganwe kimwe n’iby’abandi bose.
Pas besoin de traduire la question tendancieuse de l’intervieweur et la réponse aussi bien maladroite que malheureuse de l’interviewé. En résumé, le journaliste veut savoir comment qualifier « ceux qui prétendent être des survivants du génocide » mais s’opposent au régime et s’associent de facto à celui qui banalise le génocide.
La réponse est que les survivants qui critiquent le gouvernement, le parti au pouvoir et son armée qui ont mis fin au génocide, ceux qui les critiquent et les accusent faussement de malmener des rescapés comme Kizito Mihigo, Diane Rwigara… banalisent et nient le génocide et se rendent ainsi coupables de crime de l’idéologie du génocide. Il nomme des rescapés du génocide-dont l’auteur des présentes lignes- qui, selon lui, en critiquant le gouvernement du Rwanda, gonflent les rangs des négationnistes du génocide des Tutsi. Il ajoute que ce phénomène existe même pour le génocide des Juifs, qu’il y a des Juifs rescapés de la Shoah qui nient la réalité des chambres à gaz. Pour exemple, il donne le nom de Paul Rassinier.
Voilà grosso modo le contenu de la diatribe du Commandant de la brigade chargée de lutter contre le négationnisme. Mais qu’y a-t-il en fait? De faux exemples pour plus de confusion:
Paul Rassinier
Il n’est ni Juif, ni rescapé de la Shoah. C’est un résistant à l’occupation de la France par l’Allemagne Nazie. Il fut arrêté et déporté aux Camps de Concentration de Buchenwald et de Mittelbau-Dora. C’était un militant communiste qui navigua vers les anarchistes pour enfin s’échouer à l’extrême droite. Pour illustrer le cas de Rassinier, rappelons le parcours d’Anastase Gasana et Faustin Twagiramungu. Les deux s’opposaient au régime Habyarimana Ils l’ont échappé belle en 1994 puisque, s’ils étaient tombés entre les mains des génocidaires ou des GP, ils les auraient sûrement zigouillé. Mais est-ce que cela fait d’eux des Tutsi survivants du génocide? La réponse est NON. Est-ce qu’ils sont par la suite devenus des négationnistes du génocide? OUI.
Le Commandant de la Brigade CNLG recours donc à un faux exemple. Une demie-vérité doublée d’une fausseté pour étayer une fausse thèse accusant de négationnisme des rescapés du génocide, ses hommes de troupes. À moins que le Docteur en Droit ne confonde Juif et Communiste, comme cela fut le cas aussi pour les Tutsi et pour les Juifs. Confusion due au fait que le Commandant de la Brigade CNLG a fait ses premières armes chez les Pères Blancs qui accusaient les Tutsi d’être des communistes anticléricaux? Rappelons que ces hommes en soutane ont également traités les Juifs de communistes et de déicides. Selon la sagesse rwandaise, « nta yima nyina akabara ». Le Commandant de la Brigade CNLG a ainsi bien gardé l’identité de son alma mater. Il fait recours aux faussetés en connaissance de cause. Juste pour défendre l’indéfendable. Comme s’il y était contraint!
Diane Rwigara
Elle a été, acquittée de toutes les charges qui pesaient contre elle, après plus d’une année, croupissant injustement en prison. Innocentée donc par les tribunaux, mais toujours coupable dans la tête du Docteur en droit. Sa mère, coaccusée avec et codétenue avec ses deux filles, accusée de l’incitation à l’insurréction publique, sera également acquitté de toutes ses charges. Rappelons enfin que le calvaire de Diane commence par la mort tragique de son père, tué dans un simulacre d’accident de voiture. La police dit détenir un suspect qui, depuis plus de trois ans, n’a jamais comparu devant les juges et dont l’identité reste cachée du grand public. Si l’homme de droit considère cela comme juste, il est déconnecté de toute réalité de ce qu’est la justice.
Kizito Mihigo
Il a perdu la vie des mains de la police. La même police a effectué l’autopsie sur le corps. La même police a mené une enquête expéditive sur ce qui s’est passée dans ses geôles. Les résultats sont venus corroborer le communique nécrologique de la même police. Si quelqu’une veut chercher l’erreur, c’est celle d’une police qui enquête sur elle-même! Si le détenteur du PhD en Droit considère cela comme de la justice, il est déconnecté de la réalité de ce qu’est la justice.
Si des rescapés du génocide qui fustigent ces injustices sont traités de négationnistes, c’est que leur Commandant-accusateur est encore déconnecté de la réalité de ce qu’est le négationnisme qu’il est pourtant appelé à combattre.
Loi sur l’idéologie du génocide et son effet boomerang.
Accuser de négationnisme les rescapés qui dénoncent les injustices du régime participe à une accusation à miroir. L’accusateur est sûrement loin de se rendre compte que c’est plutôt lui-même qui banalise le crime des crimes en le mettant à toutes les sauces. La Loi n° 84/2013 du 11 septembre 2013 relative au crime d’idéologie du génocide et autres infractions connexes aura, en cet état de cause, un effet boomerang où l’accusateur se retrouve accusé.
Lui qui use et abuse de la Shoah est sait pertinemment qu’on n’accuse pas n’importe qui de Nazi, de SS, de Gestapo ou de collabo. Mais le Commandant de la Brigade CNLG ne se gêne pas pour traiter des rescapés du génocide d’être «pires que les génocidaires! »
Il sait pourtant pas qu’il n’y a rien de pire qu’un génocide. Et par ricochet, il ne peut y avoir pire qu’un génocidaire; encore, moins un rescapé du génocide! Aller sciemment contre ce postulat relève de la banalisation du génocide. D’où les propos à l’emporte-pièce du Commandant de la Brigade CNLG contreviennent à l’article 11 de Loi n°84/2013 et sont punissables conformément au Code Pénal du Rwanda. L’homme de droit brandit à tout bout de champ donc la Loi contre l’idéologie du génocide mais s’adonne à des actes punissables par la même loi!
Conclusion
Il sera difficile pour les rescapés traités de négationnistes de participer aux commémorations du génocide. Il leur sera impossible de s’impliquer dans les activités des associations vouées à la mémoire du génocide et à la lutte contre le négationnisme. Ils seront très vulnérables lorsqu’ils affronteront de vrais négationnistes et leur suppôts ainsi que des adhérents à la théorie du double génocide.
Le Commandant de la Brigade CNLG ne souffre pas de daltonisme. Il est juste obnubilé par un militantisme politique plutôt que la défense de la mémoire et la lutte contre le négationnisme. Il œuvre pour l’endoctrinement des rescapés, par menaces et non par arguments convaincants, d’adhérer à un seul et même parti politique sous peine d’être accusés de négationnisme. Il veut que les rescapés du génocide suivent dans leur ensemble le tunnel de la pensée unique, les récalcitrants tombant de facto sous la loi contre l’idéologie du génocide.
Le Commandant de la Brigade CNLG manque d’empathie envers les survivants du génocide. Il accuse un grand déficit de compassion envers eux. Il
Un homme compétent peut-être, mais pas à la bonne place. Qui diantre peut apprendre à un homme occupant un poste comme le sien que le génocide est le pire des crimes, qu’il ne peut y avoir pire qu’un génocide, et que, dans le même ordre d’idée, il ne peut y avoir pire que les génocidaires? Mais pour le Commandant de la Brigade CNLG, un survivant qui critique le gouvernement est pire que les génocidaires. Puis il a le culot de le répéter ad nauseam !
S’il ne saisit pas la dangerosité de tels propos, c’est qu’il ne comprend rien de la nature ni de l’importance du poste qu’il occupe, ni celle de l’institution qu’il représente. Il serait peut-être plus efficace comme Senior Instructor au camp de Mutobo pour les ex-FDLR. Il serait aussi à la bonne place comme Senior Cadre d’ “Itorero ry’Igihugu“. Il peut bien servir n’importe où notre Mère Patrie. Mais pour l’amour du ciel et de la noble cause qu’est la mémoire des nôtres, loin de la Commission Nationale de Lutte Contre le Génocide. Ends
Philibert Muzima est l’auteur du livre Imbibé de leur sang, gravé de leurs noms: témoignage d’un survivant du génocide des Tutsi du Rwanda
Categories: Anti negationism, Memory